Henry Kissinger : pacificateur mésestimé

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 Rédactionnel.

Alors qu’il incarne une figure de la realpolitik que d’aucuns caricaturent en cynisme pour ne pas dire machiavélisme, Henry Kissinger a concrètement permis la résolution de conflits…

 

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Décédé aujourd’hui, Henry Kissinger entre par la grande porte dans l’Histoire pour avoir mis fin aux côtés de Richard Nixon, à la terrible saignée de la guerre du Vietnam, là où Kennedy et Johnson ont échoué sans pour autant démériter.

Mais ce duo de génie des relations internationales a également par son soutien constant, permis l’émergence et le maintien au pouvoir en Egypte d’Anouar El-Sadate, artisan d’une paix durable entre son pays et Israël, grâce à son travail en étroite relation avec le Premier Ministre Menahem Begin.

Sans oublier qu’en octobre 1973, la diplomatie américaine animée par le duo Nixon-Kissinger apporta un appui décisif après l’attaque du Kippour dont était victime Israël, à la Première Ministre Golda Meir, cette même Golda Meir (deuxième femme au monde à être à la tête d’une démocratie au vingtième siècle) qui déclarera à Sadate à peine quatre ans plus tard, le 21 novembre 1977, lors de sa visite historique à Jérusalem :

« Les débuts que vous avez faits, avec tant de courage et tant d’espoir de paix, doivent se poursuivre, continuer face à face entre nous et vous, pour qu’une vieille dame comme moi puisse voir le jour – oui, vous m’appelez toujours une vieille dame – et quelle que soit la personne qui signe au nom d’Israël, je veux vivre pour voir ce jour – que la paix règne entre vous et nous, la paix entre nous et tous nos voisins. ».

« Et, Monsieur le Président, en tant que grand-mère à un grand-père, puis-je vous offrir un petit cadeau pour votre nouvelle petite-fille, et vous remercier pour le cadeau que vous m’avez fait. ».

Ils s’étaient fait la guerre à peine quatre ans plus tôt…

Pourtant embourbés et minés par le Watergate, Nixon-Kissinger avaient mis alors à profit les contacts établis sur le plan personnel avec Sadate, pour le convaincre de stopper cette guerre, qu’il allait perdre à court terme, alors qu’il pouvait espérer atteindre à moyen terme par d’autres voies les objectifs qu’il s’était fixés pour son pays.

En ce sens, l’Amérique se souciait réellement pour la première fois d’un pays arabe et ce fait doit être rappelé.

Depuis, jamais L’Egypte et Israël ne se sont refait la guerre. Même si des frictions existent toujours, ces deux pays coopèrent et vivent en harmonie, alors qu’en quarante-cinq ans on ne compte plus le nombre de conflits qui ont embrassé le Proche-Orient.

Comme quoi, la paix et la sécurité en Israël sont possibles. Il est important que nous gardions cette idée en tête, au regard de l’actualité parfois bien sombre en provenance de cette région du monde.

Alors bien évidemment, il ne saurait être question de jeter un voile pudique sur le côté plus obscure et bien moins consensuel de la diplomatie Nixon-Kissinger, notamment la si complexe affaire du Chili.

Qu’il s’agisse de Nixon, Kissinger, Sadate, Begin ou Meir, aucun de ces Hommes d’Etat n’avait au moment où il se trouvait aux responsabilités, la réputation d’être une colombe. Mais par leur maîtrise parfaite de la science des relations internationales (qui est une discipline froide alors que les enjeux à gérer sont chauds, parfois même brûlants) et notamment leur compréhension de la théorie de l’équilibre des forces, ils sont tous parvenus à force de ténacité à accomplir des résultats qui perdurent dans le temps.

Il n’y a rien de plus noble dans l’action politique que ce surpassement.

Henry Kissinger, Anouar El Sadate et Menahem Begin (mais pas Richard Nixon ni Golda Meir) se sont vu décernés le Prix Nobel de la Paix. Amplement mérité.

Et quelles que soient nos opinions sur leurs gouvernances respectives, nous aurons tous aujourd’hui une pensée envers Henry le juif Allemand qui à 15 ans en 1938, s’est réfugié avec ses parents à New York pour fuir les persécutions nazies. Naturalisé américain, il revint sur sa terre natale à peine sept ans plus tard, pour administrer militairement la ville rhénane de Krefeld, alors occupée par l’armée américaine. En huit jours, il parvint à mettre en place une administration civile composée d’Allemands patriotes qui ne s’étaient pas compromis dans le nazisme.

Il avait 23 ans.

Chapeau !

Et profond respect.

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