George Bush père : la tempérance pour gouvernance

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 Rédactionnel.

Il comprit que la puissance n’a de sens que si elle vise la stabilité. Revisiter George Bush Père, c’est aussi rendre hommage à tous ceux qui eurent 20 ans durant la Guerre…

 

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L’expression Les deux corps du roi prend une signification toute particulière dans le cas de George Bush père. Plutôt que les deux corps du roi, il faudrait en l’occurrence évoquer les trois dimensions de la personnalité de celui qui bâtit outre-Atlantique une dynastie républicaine. Car effet, le quarante-et-unième Président des Etats-Unis interpelle à trois titres : il y eut d’abord l’entrepreneur George Herbert Bush, puis le Chef d’Etat, et enfin l’homme privé confronté aux vicissitudes de l’existence.

 

Entrepreneur de 29 à 42 ans

 

Cela en étonnera plus d’un, mais au pays du capitalisme-roi, seulement cinq présidents parmi les treize qui se sont succédés à la Maison Blanche depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ont un jour de leur vie créé ou repris une entreprise, pour ensuite la développer et en faire ce que les start-upeurs et le monde du capital-risque appellent désormais une entreprise de croissance. Dans l’ordre d’élection, Lyndon Johnson (KTBC : stations de radio et chaînes de télévision), Jimmy Carter (exploitation agricole : production d’arachides), George Bush père (extraction pétrolière), George Bush fils (Texas Rangers : franchise et équipe de baseball) et Donald Trump (promotion immobilière).

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En dépit de ses origines patriciennes et aisées de la Côte est, George Hebert Bush souhaita faire ses preuves par lui-même, en partant à 2.000 kilomètres à l’ouest s’installer au Texas, dès les lendemains de la Second Guerre mondiale. Employé dans un premier temps de Neil Mallon de Dresser Industries, le futur président américain décida au bout de cinq ans de faire le grand saut de l’entrepreneuriat. En 1953, il leva auprès de business angels un demi-million de dollars et s’associa à deux avocats de Midland, les frères Liedtke pour créer la Zapata Petroleum Company. En prenant le pari de racheter une multitude de petits terrains du désert texan pour lesquels les études géologiques n’étaient pas forcément abouties, la Zapata fora en à peine un an 71 puits, rapidement portés à 127, tous actifs.

Fin stratèges d’entreprise, les associés Bush-Liedtke réinvestirent alors l’intégralité des bénéfices pour opérer une diversification d’activités, toujours dans le domaine du forage, mais cette fois-ci appliquée aux plates-formes off-shore à construire dans le Golfe du Mexique. Ils misèrent 400.000 dollars sur l’innovation technologique de l’ingénieur Le Tourneau, un savant un peu fou, qui avait conçu le projet d’une plate-forme de nouvelle génération, surnommée Le Scorpion ou Le Monstre des mers. Grâce à ses trois piliers de 40 mètres de haut et de multiples moteurs, le Scorpion pouvait être installé dans des eaux bien plus profondes par rapport à ses concurrentes de génération antérieure, et donc accéder à de nouvelles ressources pétrolifères en haute mer. Ce fut le jackpot qui permit à partir de 1959 aux frères Liedtke et à George Bush père, de devenir multimillionnaires, en scindant les deux activités, la branche forage terrestre prenant un temps le contrôle du mastodonte United Fruit (1969), l’autre (le forage sous-marin) ayant au préalable été fusionnée avec le géant de l’énergie Penzoil (1963).

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Bien évidemment, il devient beaucoup plus facile de faire de la politique (surtout aux Etats-Unis) quand votre audace entrepreneuriale vous a permis de constituer un patrimoine qui vous permet de ne plus vous soucier des questions matérielles jusqu’à la fin de vos jours. Alors certes, Bush père n’est ni Steve Jobs ni le vagabond de Charlie Chaplin, mais il eut au moins le mérite d’emprunter un chemin professionnel plus risqué par rapport à ce que ses origines lui auraient permis.

Petit aparté juste pour faire remarquer que l’on gagnerait vraisemblablement en efficacité publique, si l’on faisait accéder aux responsabilités politiques davantage d’hommes et de femmes ayant un jour osé créer une entreprise. Entreprendre reste le meilleur exercice de confrontation à la réalité économique. Parce qu’il vous invite à repousser vos propres limites et gérer votre énergie, il s’agit même d’une confrontation à soi-même, une expérience unique qu’elle réussisse ou qu’elle se solde par un échec, un apprentissage in vivo de la créativité et du risque calculé, dont les enseignements s’avèrent bien utiles, lorsqu’une fois arrivé à la tête d’une collectivité ou d’un Etat, vous êtes amené à prendre des décisions qui auront des impacts sur des milliers voire des millions de gens.

 

1989 ou le Président prudent d’une Amérique à son firmament

 
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L’entrepreneur texan devint homme d’Etat et réussit malgré les pronostics à conquérir la Maison Blanche en 1988, succédant à Ronald Reagan dont il fut le vice-président pendant huit ans.

Un seul mandat, mais quelle présidence ! C’est durant ces quatre petites années qui séparent 1989 de 1993, que le monde bascula dans l’après-guerre froide. Or la grandeur de George Bush père s’est révélée à travers son attitude au moment de l’effondrement du bloc communiste qui, il faut le rappeler, s’est effectué en deux temps : première étape en 1989 avec la chute du Mur de Berlin et l’implosion corrélative des régimes prosoviétiques à la tête des états-satellites d’Europe centrale, seconde étape en 1991 avec la disparition de l’URSS, fait historique majeur du vingtième siècle, dont les instigateurs furent essentiellement le trio formé par Roland Reagan, Mikhaïl Gorbatchev et Jean-Paul II.

A ce moment précis, l’Amérique triomphait aux yeux du monde entier. Tout ce que ses dirigeants n’avaient cessé d’affirmer depuis 1945 se vérifiait par les faits, jour après jour, durant cet automne hors norme : le communisme d’Etat était bel et bien un totalitarisme inique dont plus un seul habitant d’Europe ne voulait. L’Amérique et l’Europe de l’Ouest venaient de gagner la guerre froide, sans verser la moindre goutte de sang. Et pourtant, le Président George Bush, d’une nature prudente et d’une inquiétude propre aux vrais optimistes, a veillé à ne faire aucun excès de zèle : il ordonna promptement à l’ensemble de son administration de se garder de tout triomphalisme.

S’il convenait de se réjouir du changement pour les populations opprimées, s’en féliciter à haute voix aurait été pire qu’improductif ; indécent et donc dangereux. Il était du devoir du monde libre de préserver Gorbatchev, de le protéger, notamment vis-à-vis de la nomenklatura soviétique, afin qu’aucun retour en arrière ne puisse être possible. La menace était bien réelle ; souvenez-vous du Putsch de l’été 1991. De la même manière, il importait de faire en sorte que la transition à l’Est vers la liberté s’effectue sans trop de dommages collatéraux, notamment économiques, sur les populations locales, auxquelles on ne pouvait faire endurer de nouvelles privations après quarante ans de disette générée par l’économie administrée.

Cette ligne politique américaine a eu d’heureuses conséquences dans de nombreux pays, au premier rang desquels la Tchécoslovaquie, la Hongrie et la Pologne. La mue fut plus douloureuse en Russie. Il n’empêche, l’honneur en revient largement à George Bush père : par la tempérance dont il sut faire preuve dans la gestion de l’immédiat après-guerre froide, il est passé à la postérité.

 

Stratégie gagnante au Proche-Orient

 
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Une puissance américaine pondérée et génératrice de stabilité au sein de l’ordre mondial, aura finalement été la ligne directrice cardinale de la politique extérieure de George Herbert Bush, couronnée de succès dans un autre dossier : le Proche et Moyen-Orient.

Après l’intervention américaine dans le Golfe Persique (janvier-février 1991) sous mandat de l’ONU et avec l’appui militaire et diplomatique de la France, l’administration Bush père a souhaité dès l’hiver 1991 capitaliser sur ses succès, et embrayer immédiatement sur une initiative majeure visant à résoudre un conflit vieux comme le monde : celui de la Palestine. Autant le Président George Bush père que ses deux Secrétaires d’Etat successifs, James Baker et Laurence Eagleburger, étaient intimement convaincus que le processus de Paix dans cette région chahutée pouvait être amorcé uniquement à partir de l’approche suivante : garantir l’existence, la sécurité et la pérennité d’Israël impliquait en amont la reconnaissance par la communauté internationale et l’Etat hébreu, d’une souveraineté des populations arabes de Palestine sur la bande de Gaza et sur une partie des terres de Cisjordanie, en vue de former l’embryon potentiel d’un futur Etat palestinien au sens où on l’entend aujourd’hui.

A cet effet, la diplomatie américaine n’a pas chômé. Alors qu’elle se trouvait en pleine gestion de l’effondrement de l’URSS, l’Amérique de George Bush et James Baker organisa la Conférence de Madrid (octobre 1991), réunissant d’un côté Israël et de l’autre tous ses voisins arabes avec lesquels il se trouvait encore juridiquement en conflit, à savoir la Syrie, le Liban, la Jordanie et les arabes de Palestine, afin que tous se mettent d’accord sur un agenda global de résolution des litiges concernant la globalité de la région.

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Les négociations exigèrent de la patience. Intenable, la position de l’intransigeant Premier ministre israélien Yitzhak Shamir, patron du Likoud, conduisait inexorablement les discussions dans l’impasse. Afin que cette négociation historique ne se solde pas par un échec, la Maison Blanche fit délibérément intervenir dans l’ombre la CIA, pour que Shamir perde les élections législatives du 23 juin 1992. Bien que sur le plan du devoir de non-ingérence la méthode employée soit franchement discutable, les israéliens (mais peut-être n’ont-ils pas eu vraiment besoin des services secrets américains pour faire ce choix) élurent une Treizième Knesset nettement travailliste, et portèrent au pouvoir le héros de guerre Yitzhak Rabin, fervent patriote mais également homme de paix qui à l’inverse de Shamir, passa à la postérité pour la noblesse de son œuvre.

Les négociations reprirent sous les auspices américains, russes et européens, si bien que le processus initié par la conférence de Madrid accoucha des fameux accords d’Oslo. Néanmoins entre-temps, les Républicains avaient aux Etats-Unis perdu l’élection présidentielle du 3 novembre 1992, du fait d’un ralentissement économique prévisible après une décennie de forte croissance (4% en moyenne par an sur dix ans, soit un accroissement du PIB de 43% entre 1982 et 1992). Et c’est Bill Clinton qui le 13 septembre 1993 eut l’immense honneur de se trouver sur la photo historique, prise devant le perron de la Maison Blanche, invitant Yitzhak Rabin, Shimon Peres et Yasser Arafat à se serrer la main, recueillant ainsi tout le prestige international et les bénéfices politiques d’un lourd travail initié par son prédécesseur et qui au final s’est avéré payant : pour la première fois les Palestiniens obtenaient une terre sur laquelle construire leur autorité, les Israéliens un traité de paix avec la Jordanie ainsi que des relations diplomatiques jusque-là inexistantes avec la Chine, l’Inde, Oman, le Qatar, la Tunisie, le Maroc et la Mauritanie. Dans cette affaire, la contribution de Bill Clinton fut décisive. Mais pour être totalement juste et impartial, George Bush père aurait dû également être à ses côtés sur la photo devenue depuis iconique.

Par la suite, une fois retombées les fièvres partisanes, Clinton le magnanime fera preuve d’un tact et d’une humilité remarquables, en rappelant régulièrement dans les médias le rôle de son prédécesseur, concurrent d’une élection, devenu par la suite un véritable ami, malgré la différence de générations. La politique offre aussi parfois de belles histoires humaines.

La puissance entretenue à des fins stabilisatrices. De par ses choix en matière de politique extérieure, George Herbert Bush représente un point d’équilibre sur le spectre politique américain, loin de deux extrémités : à gauche la faiblesse pavée des plus nobles intentions incarnée par Jimmy Carter, et à droite la diatribe velléitaire appliquée à la déraison, dans laquelle Donald Trump accomplit actuellement une fuite en avant des plus inquiétantes. Ni l’une ni l’autre ne fonde de bonne politique. Seules la mesure et la retenue face au tourbillon des événements rendent possible une action politique à la fois sage et efficace. Parce que de son temps il en fut capable, George H. Bush n’a pas démérité aux yeux de l’Histoire.

 

De l’adversité naît la dignité

 

Derrière tout homme public, il y a un homme privé, forcément plus mystérieux. Celles et ceux qui nous gouvernent n’échappent pas à cette règle. Souvent, pour mieux comprendre les ressorts qui ont animé un homme d’Etat à un moment donné, il convient d’observer la personne humaine qui se cache derrière l’armure protectrice de l’exercice du pouvoir.

Bush in Avenger Cockpit

Dans le cas de George Herbert Bush, celui qui se risquera à une telle exploration découvrira un homme bien évidemment non exempt de défauts, mais très éloigné de la caricature à laquelle certains l’ont assimilé. Se révélera alors une personne profondément humaine qui tout au long de sa vie à veiller à mettre en accord ses actes avec ses paroles. Sans parler de sa sensibilité exacerbée par l’une de ces meurtrissures à l’âme qui, jeune, vous change le cours d’une vie.

Il sera avant tout question de cran, de courage et de bravoure. Adolescent marqué par l’attaque japonaise de Pearl Harbour (7 décembre 1941), celui que les Américains appelleront bien plus tard Forty One s’engage volontairement dans l’armée américaine, dès le lendemain de l’obtention de l’équivalent du baccalauréat, le 12 juin 1942.

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Il a très précisément 18 ans ; il aurait aimé pouvoir s’engager avant, mais c’était juridiquement impossible. On ne prend pas de mineur dans l’armée, surtout lorsqu’on se trouve en guerre contre l’Allemagne nazie… Le temps de servir son pays, le jeune Bush reporte son mariage prévu avec une certaine Barbara Pierce, dont il est tombé amoureux deux ans plus tôt. Il devient le plus jeune pilote de chasse de l’armée américaine. Le pilote de bombardier-torpilleur George Bush effectua 58 missions aériennes dans le Pacifique : il fut abattu quatre fois par l’armée japonaise, quatre fois secouru, la dernière par le sous-marin USS Finback (voir photo ci-contre).

La confrontation récurrente au risque de mort transfigure les hommes qui du coup en temps de paix, se mettent à observer une attitude non pas décontractée, mais apaisée. Que peuvent bien pouvoir représenter les risques entrepreneuriaux ou les revers électoraux, lorsque vous avez été torpillé à de multiples reprises par la défense anti-aérienne impériale japonaise ? Cette assurance se mue alors en élégance qui représente bien plus que la politesse des rois : la marque de fabrique de ceux qui sont grands par le caractère. Regardez de Gaulle.

Pour se laisser convaincre de l’élégance en toute situation de l’ex-président américain, il suffit de visionner à nouveau son discours de concession de victoire à Bill Clinton du 3 novembre 1992, dont la dignité n’a d’égal que celle de l’adresse similaire de John McCain à Barack Obama seize ans plus tard. Les Anglo-saxons ont un mot pour désigner cette capacité à rester sincèrement clément et ouvert, même lorsque les circonstances vous déplaisent, voire vous paraissent profondément injustes : être fair.

Quand aujourd’hui on regarde, effaré, la foire d’empoigne à laquelle vire parfois la compétition électorale, on regrette le comportement de gentleman des hommes politiques qui comme George Hebert Bush, appartenaient à ce que les Américain appellent The Great Generation, autrement dit cette génération qui a participé aux combats armés durant la Deuxième Guerre mondiale. Cette génération qui aux Etats-Unis bien sûr, mais également en Europe et en France, savait distinguer ce qui est fondamentalement grave, de ce qui ne l’est pas. George Bush père en fut le dernier représentant à la Maison Blanche, 36 ans après Ike Eisenhower. Que les honneurs soient rendus à tous ces hommes pour la plupart nés dans les années mille neuf cent dix et vingt, pour les belles valeurs qu’ils transmirent à leurs enfants et petits-enfants.

Mais l’aspect générationnel n’explique pas tout. Dans le cas de l’ancien président américain, il y a une tragédie fondatrice à aller chercher aux confins de son passé, un de ces traumatismes dont certains ne se relèvent pas.

 

La blessure engendrée par la perte d’un enfant de trois ans

 
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George Hebert Bush avait un point commun, un calvaire partagé, avec le légendaire astronaute Neil Armstrong, le premier homme qui mit le pied sur la Lune : celui d’avoir assisté, impuissants, à la lente agonie de leurs filles cadettes respectives, atteintes d’une maladie incurable, alors qu’elles n’étaient qu’enfants. Trois ans l’une comme l’autre : Robin Bush (1950-1953) emportée par une leucémie et Karen Armstrong (1959-1962) terrassée par une tumeur au cerveau. La providence réserve parfois ici-bas des destins cruels et sordides.

A vingt-neuf ans, le jeune entrepreneur texan dut pourtant continuer à avancer, ne serait-ce pour ses deux autres enfants déjà nés, tout en tentant de supporter silencieusement cette insoutenable blessure intérieure. Parfois, la carapace ne résiste plus à l’émotion, comme en témoigne cet extrait d’une lettre adressée à sa propre mère :

« Il y a dans notre maison un manque. L’exubérance joyeuse de nos quatre garçons […] appelle une contrepartie. Nous avons besoin de jupons […] Nous avons besoin d’une maison de poupée pour s’opposer aux châteaux forts […] Nous avons besoin d’un ange de Noël, un vrai […] Nous avons besoin de quelqu’un qui ait peur des grenouilles […] Nous avons besoin de quelqu’un qui pleure au lieu de discuter quand je me mets en colère […] Nous avons besoin d’une fille […] Nous avons besoin d’elle, et pourtant elle est toujours là. Nous ne pouvons la toucher et pourtant nous sentons sa présence. »

Le témoin le plus proche de ce drame familial, ne fut autre que le second futur président des Etats-Unis issu de la famille, George W. Bush, George Bush Junior, fils du premier, qui à l’époque des faits n’avait que sept ans. En 2014, il relatait en ces termes son propre souvenir de l’épreuve traversée par ses parents soixante ans plus tôt :

« Pour George Bush, le pilote de combat qui s’était hissé sur un canot de sauvetage pour pagayer à la main et s’éloigner d’une mort certaine, il était insupportable de ne pouvoir rien faire pour sauver sa fille ». Le jour du décès, venant à ses côtés en milieu d’après-midi chercher leurs fils à l’école, « ma mère m’a serré fort dans ses bras en disant que ma petite sœur n’était plus de ce monde. Sur le chemin du retour, j’ai vu mes parents pleurer pour la première fois. »

« Après la mort de Robin, mes parents ont échangé leurs rôles. Mon père est devenu le plus fort des deux. […] Après avoir tenu le coup vaillamment pendant sept mois, ma mère s’est effondrée. Elle a connu des phases de dépression qui allaient resurgir tout au long de sa vie. A vingt-huit ans, ses cheveux châtains foncés ont commencé à devenir blancs. »

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« Pendant la campagne présidentielle de 1980, un journaliste a demandé [à mon père] s’il n’avait jamais connu la moindre difficulté personnelle. Ce qui voulait dire : un homme tel que George Bush avec une vie aussi confortable que la sienne, pouvait-il comprendre ce que vit le commun des mortels ? Mon père […] a regardé le journaliste dans les yeux et lui a demandé : « Vous est-il arrivé de vous asseoir au bord d’un lit et de regarder mourir votre enfant ? ». Le journaliste a répondu que non. « Moi, oui. Et ça a duré six mois. » ».

Comment résister à une telle amputation affective puis arriver s’en relever ? Nul ne peut le concevoir en dehors de celles de ceux malheureusement touchés directement par des traumatismes d’une telle ampleur. Peut-être qu’à l’orée de sa vie active, n’ayant pas encore connu le baptême du feu d’une candidature à une élection au suffrage universel, l’engagement politique avec sa frénésie d’obligations, a agi comme une sorte de palliatif bien éphémère. Plus probablement, celui qui deviendra le successeur de Ronald Reagan a dû méditer durant ses heures sombres, ces quelques vers de Kipling : « Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie, Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir […] Tu seras un homme mon fils ! »

Parce que, pour reprendre la suite de ce monument de la poésie britannique qu’est If, George Bush père a su « rester digne en étant populaire », « rester peuple en conseillant les rois », « méditer, observer et connaître, sans jamais devenir septique », « être dur sans jamais être en rage », « rencontrer Triomphe après Défaite et recevoir ces deux menteurs d’un même front », George Bush père est parvenu en soixante-cinq ans à devenir un Homme d’Etat respecté à travers le monde, et en même temps un modèle pour sa famille.

Première étape du long chemin amenant aux vérités, l’Histoire et le travail qu’elle accomplira progressivement avec le recul du temps, donneront leur verdict qui comme pour tous les anciens chefs d’Etat, sera implacable, en mettant en lumière à la fois les réussites les plus brillantes et les échecs les plus criants des deux administrations Bush.

En attendant, ici en France où le nom « Bush » est loin de faire l’unanimité, avant de jeter systématiquement l’anathème sur cette famille américaine, essayons juste d’envisager au regard des faits ici exposés, la possibilité que tout ce qu’ont entrepris ses membres n’a pas forcément été mauvais. Ou en tout cas pas guidé par de mauvaises intentions.

Impossible dès lors de ne pas finir sur ce dernier témoignage filial :

« Quand il a commencé à envisager sa propre mort, [mon père] a demandé au prêtre de sa paroisse s’il devait s’attendre à revoir Robin sous son apparence de petite fille, ou si elle avait « grandi » au cours des soixante années écoulées depuis sa mort. C’est le grand mystère, bien sûr. Mais je pense que [mon père était] absolument certain qu’il [reverrait] sa petite fille. »

George Hebert Bush sera inhumé ce mercredi 5 décembre 2018 à proximité de l’Université A&M du Texas, dans la banlieue de Houston.

Il reposera aux côtés de Barbara et Robin.

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Photos : légendes et crédit

 
Toutes les photos présentement exposées sont libres de droits et/ou tombées dans le domaine public.

Photo n°1 – George H. Bush en 1976 alors directeur de la CIA – Photographe : David Hume Kennerly – © Bibliothèque présidentielle de Gerald Ford.

Photo n°2 – George H. Bush dans les années cinquante visitant un puit de pétrole foré par la Zapata Petroleum Company – © Bibliothèque présidentielle de George Herbert Bush.

Photo n°3 – Construite en 1955 dans le Golfe du Mexique par la Zapata Petroleum Company, l’une des plateformes pétrolières de nouvelle génération, surnommées Scorpion ou Monstre des mers – © Zapata Petrololeum Company.

Photo n°4 – Cérémonie d’investiture du quarante et unième Président des Etats-Unis d’Amérique, Washington, le vendredi 20 janvier 1989 : George H. Bush prêtant serment devant le Président de la Cour Suprême William Rehnquist – © Gouvernement fédéral des Etats-Unis d’Amérique.

Photo n°5 – Mikhaïl Gorbatchev et George H. Bush signant l’accord bilatéral sur la destruction et la non-production d’armes chimiques, Maison Blanche, Washington, le vendredi 1er juin 1990 – Photographe : Yuryi Abramochkin – © Agence de presse internationale russe RIA Novosti.

Photo n°6 – Durant la première Guerre du Golfe, le Président Bush, ici aux côtés du Général Schwarzkopf, rend visite le jour de Thanksgiving aux troupes américaines stationnées en Arabie Saoudite, le jeudi 22 novembre 1990 – © National Archives and Records Administration (NARA) / Bibliothèque présidentielle de George Herbert Bush.

Photo n°7 – De gauche à droite, le Président américain George H. Bush, l’Ambassadeur américain en Israël William C. Harrop et le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin, Kennebunkport (Maine, Etats-Unis), le vendredi 10 juillet 1992 – © Collection privée de William C. Harrop.

Photo n°8 – En 1944, George Hebert Bush, pilote de chasse de l’armée américaine, installé aux commandes d’un Grumman TBM Avenger – © US Navy (fonds Naval History & Heritage Command).

Photo n°9 – Le pilote George Bush sauvé par le sous-marin USS Finback après avoir été abattu alors qu’il effectuait un bombardement de l’île de Chi Chi Jima, Océan Pacifique, le samedi 2 septembre 1944 – © National Archives and Records Administration (NARA) / Bibliothèque présidentielle de George Herbert Bush.

Photo n°10 – Robin Bush dans les bras de sa mère Barbara Bush à Greenwich dans le Connecticut au début des années cinquante – © Bibliothèque présidentielle de George Herbert Bush.

Photo n°11 – En 1953, George H. Bush (au centre) avec ses enfants George W. Bush (à gauche) et Robin Bush (à droite) – © Bibliothèque présidentielle de George Herbert Bush.

Photo n°12 – Le président sortant George H. Bush serrant la main au nouveau président Bill Clinton à l’occasion de la cérémonie d’investiture de ce dernier, Washington, le mercredi 20 janvier 1993 – © Smithsonian Institution Archives.

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